sábado, 5 de noviembre de 2011
NOVIEMBRE (Gustave Flaubert)
Me gusta el otoño, esta triste estación le sienta bien a los recuerdos. Cuando los árboles ya no tienen hojas, cuando el cielo conserva todavía en el crepúsculo el tono rojizo que dora la hierba marchita, es algo dulce mirar cómo se apaga todo cuanto no hace mucho ardía aún en usted.
Acabo de regresar de mi paseo por las praderas vacías, al borde de las zanjas frías donde los sauces se miran; el viento hacía silbar sus ramas despojadas, a veces se callaba, luego y de repente, volvía a empezar. Entonces, las pequeñas hojas que permanecen pegadas a las malezas temblaban de nuevo, la hierba se estremecía asomándose sobre la tierra, todo parecía volverse más pálido y más helado; en el horizonte, el disco del sol se perdía por el color blanco del cielo, y lo penetraba con un poco de vida que expira. Tenía frío y casi miedo.
Me puse a cubierto detrás de un montículo de césped, el viento había cesado. No sé por qué, como yo estaba aquí, sentado en el suelo, no pensando en nada y mirando a lo lejos el humo que salía de las chozas, mi vida entera se puso ante mí como un fantasma, y el amargo perfume de los días que ya no son regresó a mí, con el olor a hierba seca y maderas muertas; mis pobres años volvieron a pasar ante mí, como llevados por el invierno en una tormenta lamentable; algo terrible los arrollaba en mi recuerdo, con más furia que la brisa que hacía correr las hojas en los senderos apacibles; una ironía extraña los rozaba y les daba la vuelta para mi espectáculo, y luego todos volaban juntos y se perdían en un cielo sombrío.
Es triste, la estación en la que estamos: parece que la vida va a irse con el sol, el escalofrío corre en vuestro corazón como sobre la piel, todos los ruidos se apagan, los horizontes palidecen, todo va a dormir o morir.
Traducción: Sergio Arrieta
Cuadro: El carro de heno, de John Constable
NOVEMBRE (Gustave Flaubert)
J'aime l'automne, cette triste saison va bien aux souvenirs. Quand les arbres n'ont plus de feuilles, quand le ciel conserve encore au crépuscule la teinte rousse qui dore l'herbe fanée, il est doux de regarder s'éteindre tout ce qui naguère brûlait encore en vous.
Je viens de rentrer de ma promenade dans les prairies vides, au bord des fossés froids où les saules se mirent ; le vent faisait siffler leurs branches dépouillées, quelquefois il se taisait, et puis recommençait tout à coup. Alors les petites feuilles qui restent attachées aux broussailles tremblaient de nouveau, l'herbe frissonnait en se penchant sur terre, tout semblait devenir plus pâle et plus glacé ; à l'horizon le disque du soleil se perdait dans la couleur blanche du ciel, et le pénétrait d'un peu de vie expirante. J'avais froid et presque peur.
Je me suis mis à l'abri derrière un monticule de gazon, le vent avait cessé. Je ne sais pourquoi, comme j'étais là, assis par terre, ne pensant à rien et regardant au loin la fumée qui sortait des chaumes, ma vie entière s'est placée devant moi comme un fantôme, et l'amer parfum des jours qui ne sont plus m'est revenu avec l'odeur de l'herbe séchée et des bois morts ; mes pauvres années ont repassé devant moi, comme emportées par l'hiver dans une tourmente lamentable ; quelque chose de terrible les roulait dans mon souvenir, avec plus de furie que la brise ne faisait courir les feuilles dans les sentiers paisibles ; une ironie étrange les frôlait et les retournait pour mon spectacle, et puis toutes s'envolaient ensemble et se perdaient dans un ciel morne.
Elle est triste, la saison où nous sommes : on dirait que la vie va s'en aller avec le soleil, le frisson vous court dans le coeur comme sur la peau, tous les bruits s'éteignent, les horizons pâlissent, tout va dormir ou mourir.